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Sébastien castro la comédie à tout prix


Il est la plume derrière « Une idée géniale », énorme succès aux plus de 600

représentations. Portrait d’un auteur incontournable du théâtre comique

français.


Par Clémence Duranton


sébastien castro sur scène
Sébastien Castro, au théâtre, en janvier 2025 / crédit photo Manuel Lagos Cid pour MULTI

Arnaud est inquiet. Depuis que Marion et lui ont visité un appartement

pour s’installer ensemble, il est persuadé que sa compagne a eu un coup de

coeur pour leur agent immobilier. Quand le hasard met sur sa route le

sosie de son rival, il saisit l’occasion pour piéger la jeune femme. Si le

pitch peut sembler être celui d’une énième comédie de boulevard que

vous aurez oublié à peine sortis de la salle, "Une idée géniale" joue dans

une autre catégorie. Celle où la salle rit du début à la fin, celle des

quiproquos, des portes qui claquent, des amants cachés dans les placards

certes, mais sans jamais tomber dans le grotesque ou la caricature. "Une

idée géniale" est de ces pièces qui parlent à tout le monde.


Derrière son texte brillant, grinçant, attachant, Sébastien Castro. Le

comédien-auteur de 48 ans s’est donné le rôle de tous les sosies. Son

phrasé lent qui s’endort sur les fins de phrase, son côté empoté, "à la

masse", lui donnent un certain pouvoir comique. Et en rencontrant le

bonhomme, il semble à priori n’être pas si loin de son personnage.

Pourtant, derrière cet air un peu benêt, hautement sympathique et drôle, se

cache un maitre en l'art de la comédie. « Je suis un garçon tellement

secret… », plaisante-t-il, en préambule de notre entretien.


Castro est né et a grandi dans la ville cossue d’Enghien-les-bains, dans le

Val d’Oise. Ses parents adorent la comédie, et dès petit, ils trimballent leur

bambin en salle. Le gosse tombe immédiatement sous le charme.

"Tailleur pour dame", "C’est encore mieux l’après-midi",… il commence

son éducation théâtrale avec les plus grands auteurs comiques. « Je

trouvais incroyable ce phénomène : quand quelqu’un entre en scène, ça

provoque une hilarité générale. J’ai voulu faire ce métier parce que

j’aimais entendre les gens rire. C’est la comédie plus que le théâtre qui

m’a séduit. »


J’ai voulu faire ce métier parce que j’aimais entendre les gens rire. C’est la comédie plus que le théâtre qui m’a séduit.

Il se met en tête de travailler dans ce milieu. Avec une ambition au départ

plutôt… discrète. « J’étais lucide sur le fait que c’était un métier difficile.

Pour moi, pour pouvoir être dans ce milieu, il fallait que je sois

administrateur de théâtre. J’ai fait une fac et en parallèle, je jouais en

amateur. » Pendant plusieurs années, il monte des pièces avec trois bouts

de ficelle, entouré d’une joyeuse troupe. « Si on n’avait rien monté nous-

mêmes, on n’aurait jamais rien fait. » De petits contrats en petits contrats,

la comédie devient son métier. Sébastien Castro convainc les patrons de

salle de les laisser jouer les soirs de fermeture. « Je savais que si je

refusais, tu serais passé par la fenêtre », lui confiera Michel Rougeron,

directeur du théâtre le Mélo d’Amélie, plus tard. Après ça, il veut prouver

qu’il peut travailler sur des projets extérieurs. Il apprend que Jean-Luc

Moreau monte "l’Avare" et demande à auditionner pour le rôle du laquais.

« Mon ambition n’était pas démesurée, je devais avoir 10 répliques. Et j’ai

eu le rôle. J’étais tellement heureux de n’être "que" comédien, c’était très

reposant de ne pas gérer la troupe. Mais très vite, ça m’a manqué aussi.

J’ai alterné entre projets qu’on me proposait et projets que j’ai initiés. »


En 2008 a lieu pour lui une rencontre déterminante : Pierre Palmade. L'auteur cherche de jeunes talents pour monter une émission de télé. Elle se plante, et alors que le milieu sourit de cet échec, Palmade, vexé, tente de montrer à tous qu’il ne s’est pas trompé en montant une pièce avec sa troupe. "Le comique" joue deux ans et rencontre un immense succès. « J’ai eu un agent pour la première fois, j’ai fait du ciné, de la télé, j’ai été nommé aux Molières, j’ai eu un prix. Cela faisait plus de 10 ans que je faisais ce métier mais c’est le moment où beaucoup m’ont découvert. »


Castro s’essaie à la mise en scène, abandonne faute de temps, et se met à l’écriture en sautant sur une nouvelle opportunité. « En 2017, je propose à José Paul (acteur et metteur en scène avec qui il partage la scène dans "Une idée géniale", ndlr) de mettre en scène "C’est encore mieux l’après midi". Il est réticent, mais accepte en me précisant qu’il préfère les créations et qu’il veut que je trouve une pièce comique avec des sujets actuels. J’avais un vieux fantasme d’écrire et je me suis dit que c’était peut-être le moment. Il vaut mieux rater que de ne jamais avoir essayé. Au pire, il refusait. Je ne lui ai rien dit, j’ai écrit pendant quelques mois et je lui ai amené le texte. Il a été très surpris. Il l’a lu et il m’a dit : ‘alors on le fait quand ?’ » 


Lancée en 2019, "J’ai envie de toi"a été jouée 430 fois à Paris et en tournée. Mais ce que Castro s'était bien gardé de dire, c’est qu’il avait déjà écrit sa pièce suivante. « Juste avant de démarrer, je me suis souvenu que des potes auteurs m'avaient dit que l’écriture de leur deuxième pièce avait été très compliquée parce qu’ils se sentaient attendus au tournant. Donc je l’ai écrite avant que la première se joue. Si ça ne fonctionnait pas, je ne serai pas découragé, et si ça fonctionnait, je n’aurais pas la pression. » C’est ainsi qu'"Une idée géniale" est née. « Ma façon d’écrire est similaire et j’ai les mêmes angoisses. Voire même plus d’angoisses qu’avant. Ce qui est compliqué dans ce qu’on fait, c’est que notre seul but est de distraire. Une comédie qui ne fait pas rire est juste pathétique. »


Après 600 représentations, "Une idée géniale" a fait ses preuves et est prête à tirer sa révérence avant la nouvelle, déjà écrite (évidemment), qui sera sur scène à partir d’août 2026. « Redémarrer avec une nouvelle pièce, c’est se remettre à nu. La facilité serait d’exploiter celle-là pendant 10 ans mais je veux être un auteur vivant. » Et il l’est. Vivement la troisième.



Ce papier est disponible dans le numéro 4 de MULTI.


couverture de multi janvier



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