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Clovis Cornillac: "Je suis un colérique qui se soigne"


Par Catherine Schwaab


Actuellement au théâtre dans l'adaptation de son film "Un peu, beaucoup, aveuglément" et bientôt à l'affiche de "La Réparation" (Régis Wargnier), Clovis Cornillac semble transformé tout ce qu'il touche en or. Rencontre.



clovis cornillac dans un p'tit en plus
Clovis Cornillac dans "Un p'tit truc en plus"

Clovis Cornillac a 57 ans, et, tel un grand cru, il s’est bonifié. À cette terrasse parisienne, l’acteur se détend avec un verre de bordeaux près du théâtre de la Madeleine.


Alors qu’à ses débuts, on le percevait comme une boule d’énergie intérieure à l’explosivité inquiétante, aujourd’hui, il dégage une densité, une force tranquille. « Je suis un colérique qui se soigne. Aujourd’hui, je m’en préserve, je ne veux pas faire peur. Le sport me sert d’exutoire. Et il y a la maturité… » Intelligent, ouvert, sûr de lui, confiant en la vie, il répond aux questions sans clichés. Il est vrai que côté métier, il n’a jamais connu de creux. « Oui, ça n’est pas normal d’avoir autant de chance, s’étonne-t-il. J’ai travaillé tout le temps, c’est précieux, ça m’a permis de m’améliorer constamment. »


Et quand il est sur un plateau, Clovis se donne sans compter. Dans le milieu, il a cette réputation. « J’apporte toute mon énergie, je fais des propositions, c’est pris ou c’est rejeté, je ne m’en offusque jamais, c’est le jeu. Sur un plateau, j’arrive avec mes piles chargées à bloc. »

Je suis un colérique qui se soigne. Aujourd’hui, je m’en préserve, je ne veux pas faire peur. Le sport me sert d’exutoire.

Mine de rien, en 40 ans de carrière, 70 films, près de 40 téléfilms et séries, Cornillac a gagné ses galons d’acteur « bankable ». On l’a vu dans des blockbusters comme "Astérix" ou "Brice de Nice" et dans des films plus intellos voire confidentiels, et quelques ratés mais il est comme Edith Piaf, il ne regrette rien ! Ni le bien, ni le mal… Il lui est arrivé de refuser de futurs gros succès, « Tant pis. Un film est un prototype au moment T. Avec moi, il eût été autre… »


Récemment, c’est un prototype au financement difficile qui lui vaut une célébrité renouvelée : « Un petit truc en plus » réalisé par l’humoriste Artus, énorme carton de 10 millions d’entrées. Un magnifique « feel-good movie », drôle et fûté, que certains acteurs et producteurs ont poliment refusé. « Avec une douce gêne, les gens déclinaient la proposition », euphémise Cornillac qui connaît bien les coulisses de la production pour avoir lui-même réalisé cinq films. « Je n’aurais jamais osé me lancer dans une telle aventure. Artus nous a mis dans une situation telle que le travail s’est fait, avec naturel. Devant le handicap, on essaie de ne pas blesser, alors on détourne le regard. C’est tout le contraire qu’il faut faire. Tu baves ? Eh bien attends, je te donne un mouchoir. Le rapport est simple, primaire. »


Devant le handicap, on essaie de ne pas blesser, alors on détourne le regard. C’est tout le contraire qu’il faut faire.

Il ignorait tout de la maladie mentale quand il est entré dans le casting. Sa femme, l’auteure et actrice Lilou Fogli, est plus informée : elle est une des marraines de la fondation Ninoo pour les enfants autistes. Un bel attelage, ces deux-là, complémentaire et productif, dans la vie comme dans le business. « D’abord, on s’aime ! corrige-t-il. Mais oui, on aime s’associer. Pour mon premier film, « Un peu, beaucoup, aveuglément », je lui ai donné le courage d’écrire, et elle m’a donné la force de réaliser. »



clovis cornillac et sa femme lilou fogli à l'avant-première de Un p'tit truc en plus
Avec Lilou Fogli, à l'avant-première de "Un p'tit truc en plus"

Ils se sont rencontrés en 2009, l’année de ce premier film, mariés en 2013, trois mois après la naissance de leur fils Nino, 11 ans. « Nous vivons une histoire d’amour saine et pleine, avec une bienveillance constante l’un envers l’autre. Pourvu que ça dure ! On est très différents, ça aide : Lilou est beaucoup plus extravertie que moi. Elle déborde d’idées, par exemple c’est elle qui a imaginé le scénario de « C’est magnifique », mon deuxième film. Et je pense que mon calme lui fait du bien. On a chacun le souci que l’autre s’épanouisse, et la conscience qu’en amour, rien n’est acquis. »

avec lilou, Nous vivons une histoire d’amour saine et pleine, avec une bienveillance constante l’un envers l’autre. Pourvu que ça dure !

Lilou Fogli rêvait d’adapter « Un peu, beaucoup, aveuglément » au théâtre, c'est fait depuis janvier à la Michodière à Paris. « Puis, après sa pièce, elle se lancera à son tour dans la réalisation », annonce Clovis, très fier. Une affaire qui roule, décidément. Dans deux ans, si tout va bien, il réalisera son nouveau film, encore top secret, « ambitieux, difficile à monter… »


Son côté terrien doit inspirer les producteurs. Ils doivent se dire qu’avec lui, on ne va pas exploser la banque, pas se retrouver otage de divas, de conflits d’egos… L’intéressé semble confirmer l’intuition : « Je ne supporte pas que les gens se parlent mal ; je ne m’énerve pas sur un plateau. Et je déteste que les disputes explosent devant tout le monde. On règle les choses après, dans la discrétion. Je m’y implique. Je m’implique dans tout ! » Voilà, il tient son plateau, le patron. Et regarde le monde avec la même autorité.


Cherchez-le sur Instagram, vous ne trouverez rien. « Les réseaux sociaux ne m’intéressent pas. Se montrer en vacances, et se filmer à 12 h 40, et apprendre la mort de tel ou telle en « alerte instantanée » sur une ligne et demie… Non. Ce « scrolling » est juste chronophage et génère du vide. Et ça n’a rien à voir avec mon travail. Je ne veux pas être dans le commentaire de ce que je fais. »


Le « scrolling » est juste chronophage et génère du vide. Et ça n’a rien à voir avec mon travail. Je ne veux pas être dans le commentaire de ce que je fais.

Il a eu l’occasion d’observer la nocivité de ces réseaux quand le film « Monsieur le maire » (2023) où il incarnait le rôle principal a été attaqué, piétiné, falsifié par des groupuscules d’extrême droite. De cette histoire très bien documentée sur la renaissance d’un village, des esprits obtus ont cru lire une promotion de l’immigration. « Je ne savais pas qu’on pouvait ainsi s’attaquer à la culture, et ôter des spectateurs à ce film qui n’avait rien à voir avec ce qu’ils racontaient. J’ai raison de me méfier. »


Ses ravissantes jumelles Alice et Lily (dont la mère est Caroline Proust) semblent avoir bien intégré les préventions de papa. Alice a beau être actrice, elle ne poste pas à tout va. Et Lily a un compte privé. La première a d’abord fait une licence de droit avant de succomber à l’appel des plateaux ; l’autre a suivi une école de journalisme avant de devenir croupière dans un cercle de jeux !


La dynastie Cornillac entamée avec ses parents Roger Cornillac et Myriam Boyer, se prolonge sereinement, sans tapage, mais avec autant de sérieux que d’originalité.




retrouvez d'autres interviews dans le numéro 5 de MULTI.


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